Les sauterelles menacent de dévorer les cultures de cette province

Poussées par la sécheresse, les sauterelles, qui aiment la chaleur, prospèrent en Alberta et menacent de dévorer les cultures dans le centre et le sud de la province.


Les espèces de sauterelles nuisibles prennent leur envol tôt cette année et pullulent en plus grand nombre.

Robert Badry, qui exploite la ferme céréalière familiale près de Heisler, à 160 kilomètres au sud-est d'Edmonton, a déclaré dans une entrevue à CBC qu'un demi-hectare de sa récolte de blé a été dévoré en quelques jours.

robert-badry-grasshoppers/Robert Badry via CBC

Les dégâts causés par les sauterelles sur un champ de blé. Photo : Robert Badry

« Le sol bougeait littéralement avec eux », a-t-il déclaré. « Il était nu, on pouvait voir le sol. Elles le dévorent jusqu'à le réduire à néant ». Les sauterelles constituent depuis longtemps une menace pour les producteurs agricoles. Comme les criquets, ces insectes sont incroyablement destructeurs. Même une infestation modérée de 10 sauterelles par mètre carré peut consommer jusqu'à 60 % de la végétation disponible.

Cette année, le temps chaud et sec qui a alimenté des incendies de forêt historiques en Alberta a contribué à l'apparition d'un fléau de sauterelles qui menace maintenant de décimer des cultures déjà en déficit de croissance.

Une population croissante d’insectes ravageurs

Les experts avertissent que ces infestations augmentent le risque d'épidémies futures et rappellent la nécessité de mieux surveiller les ravageurs.

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Les pluies récentes ont peut-être ralenti les sauterelles, mais seulement temporairement, car les populations sont en plein essor depuis des années.

Dans son exploitation, M. Badry s'inquiète de la perspective de voir des foyers persistants.

Il s'attend à ce que les sauterelles réapparaissent lorsque le temps aride reviendra. Ses cultures souffrent déjà du manque d'humidité, ce qui les rend vulnérables aux mauvais rendements et aux insectes ravageurs.

« Une fois que la sécheresse frappe et que vous voyez les sauterelles, vous ne pouvez pas être surpris, elles vont de pair », déplorait-il. « Elles prospèrent dans la sécheresse et dans le sec. »

La sauterelle birayée

Photo : Dan Johnson/University of Lethbridge

Le gouvernement de l'Alberta surveille les épidémies de sauterelles et suit les populations par le biais d'un comptage annuel effectué en août.

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Les résultats de l'année dernière ont mis en garde contre le risque permanent d'épidémies dans le sud de l'Alberta et le long de la frontière avec la Saskatchewan. Dans le sud et l'est, les effectifs sont en augmentation depuis 2021, selon l'enquête.

Un fléau de ravageurs

Meghan Vankosky, chercheuse scientifique à Agriculture et Agroalimentaire Canada et coprésidente de Prairie Pest Monitoring Network, a déclaré que 2023 est la pire année pour les sauterelles qu'elle ait vue depuis plus de vingt ans.

« Après les incendies de forêt et les pluies record en Alberta cette année, c'est une période d'anxiété pour les producteurs », déclare Mme Vankosky.

Sauterelle à quatre points

Photo : Dan Johnson/University of Lethbridge

Mme Vankosky invite les agriculteurs à surveiller de près leurs cultures. Lorsque d'autres sources de nourriture, telles que les herbes sauvages, les fleurs et les plantes à feuilles, se dessèchent, les sauterelles se rabattent sur les cultures pour se nourrir.

« Ce n'est pas seulement que nous avons beaucoup de sauterelles cette année, c'est aussi que les cultures ne poussent pas nécessairement très bien et que les dégâts sont donc d'autant plus visibles », explique Mme Vankosky.

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« Elles ont tendance à préférer les céréales, l'avoine, le blé, le seigle, l'orge, mais, dans une année de sécheresse, elles vont manger tout ce qu'elles peuvent trouver. », précise-t-elle.

Bien que le cycle de vie varie d'une espèce à l'autre, les sauterelles prospèrent invariablement à la chaleur.

Les femelles pondent des œufs dans le sol à la fin de l'été. Après un hiver passé juste sous la surface, les nymphes éclosent au printemps. Elles se nourrissent de végétation pendant qu'elles atteignent l'âge adulte, muent et développent leurs ailes.

Le temps chaud augmente les taux de survie et accélère chaque phase. La température corporelle de l'insecte augmente, ce qui accélère sa croissance et permet aux femelles de produire plus d'œufs, d'où des éclosions de plus en plus importantes chaque printemps.

Les températures plus élevées de cette année ont permis aux insectes de prendre leur envol plus tôt, à la recherche de nouvelles sources de nourriture.

« Lorsqu'il fait chaud, ils se développent plus rapidement que la normale, et c'est ce que nous avons constaté cette année. », dit-elle.

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Les Prairies, terre promise pour les sauterelles

L'Alberta n'est pas étrangère aux épidémies. En 2021, les sauterelles ont pullulé à Lethbridge, détruisant les champs et les jardins d'arrière-cour.

Avant son extinction à la fin du XIXe siècle, une sauterelle connue sous le nom de criquet des montagnes Rocheuses pullulait dans l'Ouest. Les blizzards de ces insectes obscurcissaient le soleil.

Dan Johnson, spécialiste des sauterelles et professeur de sciences de l'environnement à l'Université de Lethbridge, se souvient des épidémies des années 1980, lorsque les voitures et les camions étaient contraints de quitter la route en raison des nuages de sauterelles qui s'étendaient au-dessus des autoroutes.

M. Johnson qualifie les infestations de cette année en Alberta de « disparates », avec des points chauds isolés où les populations sont denses.

« Là où elles sont, elles sont très importantes », affirme-t-il. « C'est un double coup dur parce qu'elles arrivent alors que la sécheresse cause déjà des problèmes. »

Sauterelle sur un épi de blé

Photo : Radio-Canada/Rob Kruk

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Ami ou ennemi?

Selon M. Johnson, les populations de ravageurs augmentent progressivement depuis 2018. Les récentes infestations devraient rappeler que toutes les sauterelles ne constituent pas une menace pour les producteurs, a-t-il déclaré, ajoutant que les ravageurs peuvent être gérés de manière sélective avec des pesticides.

Certaines espèces sont inoffensives pour les cultures et jouent un rôle important dans l'écosystème des prairies, servant de repas aux oiseaux et à d'autres proies.

« Il existe une cinquantaine d'espèces assez communes et seulement cinq d'entre elles sont nuisibles », explique-t-il.

Les espèces nuisibles comprennent la sauterelle de Packard, la sauterelle pellucide, la petite sauterelle voyageur et la sauterelle birayée, qui est considérée comme la plus grande menace.

La sauterelle de Bruner est une espèce relativement nouvelle sur la liste des espèces présentes en Alberta, a déclaré M. Johnson.

Les populations de sauterelles de Bruner se sont multipliées ces dernières années, et leur nombre a été signalé d'Edmonton à la région de la rivière de la Paix. M. Johnson s'attend à ce que leur aire de répartition et leur nombre continuent de croître.

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Un effort concerté et mondial est nécessaire

Les gouvernements et les producteurs doivent être mieux préparés à d'éventuelles invasions, constate-t-il.

La recrudescence actuelle a été rendue possible par une succession d'années de sécheresse : des printemps chauds et secs et des étés chauds au début de l'année. Si la tendance se poursuit, les infestations graves continueront à s'intensifier.

« Les sauterelles et les criquets représentent une menace mondiale pour la sécurité alimentaire et un effort international est nécessaire pour faire reculer les espèces problématiques », affirme-t-il. « Il est extrêmement difficile de prévoir l'explosion des populations et l'ampleur des dégâts qu'elles causeront, mais les risques doivent être gérés. » « Nous ne pourrons jamais vraiment les éliminer, mais si nous pouvons faire en sorte qu'ils ne deviennent pas complètement incontrôlables, c'est la meilleure façon d'y parvenir. », conclut-il.

Source : CBC


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