Les rivières parfaitement droites n'existent pas

Il suffit d’observer des cartes satellites pendant un bref moment pour s'apercevoir d’une chose bien étrange: extrêmement rares sont les rivières qui coulent en parfaite ligne droite. En fait, elles n'existent pas. Toutes les rivières sont sinueuses... partout sur la planète! Explications.


Le trajet qu’emprunte une rivière peut être déterminé par le relief d’un terrain. Bien évidemment, si elle coule en pleines montagnes, elle les contourne et emprunte le chemin dicté par les variations du sol. Par exemple, c’est le cas de la rivière Duval qui sillonne les Appalaches, en Gaspésie. En forêt, les arbres mènent la parade.

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Cette carte montre le relief de la Gaspésie. On observe la rivière Duval qui contourne les montagnes pour se frayer un chemin jusqu’à la Baie-des-Chaleurs. - Crédits : Google

Toutefois, lorsque le cours d’eau se trouve en terrain plat, rien ne peut l’arrêter. Alors, pourquoi est-ce que ces rivières ne sont pas parfaitement droites? Une partie de la réponse se trouve sous l’eau. Le trajet qu’emprunte la rivière est influencé par l’érosion des sols et les dépôts de sédiments.

Un lent et fascinant processus

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Rivière initiale, parfaitement droite.

Ce processus prend des centaines, voire des milliers d’années à créer une rivière parfaitement sinueuse. De notre vivant, il est peu probable qu’on observe un changement radical dans le cours d’une rivière. Le tout commence lorsqu’une partie du lit d’une rivière ou de sa berge est fragile et commence à s’effriter. L’eau vient remplir l’espace créé et continue d’éroder l’endroit petit à petit. Le courant de la rivière va donc commencer à bifurquer pour suivre le nouveau chemin creusé dans la berge, ce qui aggrave l’érosion. Au fil du temps, la courbe s’intensifie pour devenir un méandre.

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La berge à gauche s'est fragilisée permettant à la rivière de bifurquer. Le courant emprunte le nouveau trajet formé par le méandre.

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À ce moment, le courant effectue un virage qui laisse l’intérieur du méandre sans mouvement. Il n’y a plus assez de force à cet endroit pour entraîner les roches et sédiments au fond de l’eau. Ils commencent donc à s’empiler pour éventuellement devenir une petite plage et dans plusieurs années, un lopin de terre à proprement dit. Pendant ce temps, à l’extérieur du méandre, le courant continue son érosion et accentue sa courbe.

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Image satellite de la rivière Rouge, dans les Laurentides. On y voit le trajet sinueux qu’elle emprunte et les plages qui se sont formées à l’extérieur du méandre. - Crédits : Google

Maintenant, on sait comment un méandre se forme sur un cours d’eau… mais comment la rivière devient-elle sinueuse, dotée de plusieurs courbes? C’est en raison de l’effet d’entraînement de l’eau une fois sortie du méandre. En effet, les particules d’eau sont propulsées vers la rive opposée. Un peu comme une voiture sans frein qui sort d’un virage : elle poursuit sa course droit devant plutôt que de suivre la route. Dans le cas qui nous concerne, l’eau heurte la berge et commence à l’éroder tranquillement. Le processus recommence alors jusqu’à ce que la rivière soit complètement sinueuse.

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Il ne faut pas oublier que le chemin d’une rivière est aussi sensible à la moindre variation topographique et même aux arbres. Si, de notre point de vue, un sol peut sembler bien plat, c’est rarement le cas. Cela aide donc la rivière à se déformer tranquillement, en plus du phénomène d’érosion expliqué précédemment. On peut également noter que des événements météorologiques extrêmes peuvent aussi changer le cours d’une rivière, comme un tremblement de terre ou un glissement de terrain.

Le phénomène peut être infini

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La rivière Rouge est reconnue pour son parcours sinueux et ses nombreux bras-morts. - Crédits : Google

S’il n’y a rien pour arrêter un méandre, ce dernier ne cessera jamais de s’accentuer. Le « S » devient de plus en plus prononcé et éventuellement, deux méandres peuvent entrer en collision. Si c’est le cas, ils fusionnent et le courant emprunte le nouveau chemin créé, puisque c’est le plus court. La rivière abandonne derrière elle un de ses méandres qui devient ce qu’on appelle un « bras-mort ».

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Fait intéressant : On peut déterminer à l’avance la longueur d’un méandre. Une régularité est observée à travers le monde: la longueur de deux méandres, donc un « S », correspond à environ six fois la largeur de la rivière.


Ces « morceaux de rivière morte » sont orphelins et ne sont plus alimentés par le cours d’eau initial. Selon le climat où ils se trouvent, les bras-morts finissent par s’assécher ou parviennent à rester en eau toute l’année, ou pendant une partie de celle-ci.

Pendant votre prochaine escapade en kayak, observez bien les alentours! Si vous voyez deux méandres très près l’un de l’autre, vous saurez que dans quelques années, les eaux sur lesquelles vous naviguez deviendront probablement un bras-mort.


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