L'avenir incertain de la fameuse poudreuse des Rocheuses

Les images inquiétantes de stations de ski sans neige dans divers pays d’Europe amènent de nombreuses personnes à s’interroger sur l’avenir du ski alpin au Canada.

Dans une province réputée pour ses pistes de ski et ses montagnes, une région de la Colombie-Britannique s’est vue attribuer un surnom digne de son statut de paradis du ski : « Powder Highway », l'Autoroute de la poudreuse.

Le long des six autoroutes reliées en une boucle de mille kilomètres à travers les Rocheuses de Kootenay et l’intérieur de la Colombie-Britannique, vous trouverez huit stations de ski de classe mondiale, plus de 20 gîtes pour skieurs de même qu’une force concentration d’opérations de catski et d’héliski (qui permettent d’accéder aux pentes des montagnes par l’intermédiaire de snowcats ou d’hélicoptères, respectivement.) Il s’agit de la plus grande concentration de stations de ski au monde, et pour cause : la poudreuse y est légendaire.

En moyenne, plus de 18 mètres de neige recouvrent les quelque trois millions d’hectares qui composent la région, soit environ 265 fois la taille de la ville de Vancouver.

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Mike Douglas, le parrain du freeski (Source : Mia Gordon/The Weather Network)

« Powder Highway est un voyage de vrai skieur. Ce n’est pas du tourisme haut de gamme, on n’a pas d’hôtels chics ou de dîners cinq étoiles. C’est pour les mordus de ski », a déclaré Mike Douglas, un skieur professionnel surnommé parrain du freeski. « Les gens qui veulent de la bonne neige et une expérience unique y retrouvent un coin authentique de la Colombie-Britannique, ce qui devient de plus en plus rare. Il y règne une ambiance vraiment cool. »

Mais qu’adviendrait-il de l’ambiance de la région si la neige venait à disparaître?

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Des stations de ski en manque de neige

À l’instar de nombreux autres domaines skiables du pays et du monde entier, la neige en Colombie-Britannique est menacée par le changement climatique. Des images inquiétantes captées en Europe le jour du Nouvel An ont montré de l’herbe verte là où il devrait y avoir de la neige dans diverses stations de ski.

Il va sans dire que cette situation a limité l’accès aux pentes et contraint les stations touchées par la situation à fermer complètement leurs portes. Certaines études ont même suggéré que seules les stations situées à plus de 2 500 mètres d’altitude seront opérationnelles d’ici la fin de notre siècle.

Les stations de ski qui bordent Powder Highway ne font pas exception à la règle.

En 2014-2015, la Colombie-Britannique a connu l’un des pires hivers jamais enregistrés pour les stations de ski. De nombreuses stations de l’Ouest ont été contraintes de fermer des portions de leurs pistes, voire de fermer la station entière plus tôt que prévu, en raison du manque de neige. Au cours d’une saison de ski normale, la Colombie-Britannique accueille environ 6,6 millions de visiteurs, mais cette saison-là, la baisse a été de près de 25%. Nombreux sont ceux qui ont qualifié cette saison d’anomalie, mais c'est peut-être de faux espoirs selon des chercheurs de l’université de la Colombie-Britannique.

Ce que la recherche dit de l’avenir

Le professeur Michael Pidwirny a dirigé une équipe de chercheurs de l’Université de Colombie-Britannique chargée d’évaluer l’impact que les changements climatiques pourraient avoir sur les stations de ski américaines.

« Les conditions moyennes en 2050 seront comparables à celles de l’hiver 2014 et 2015. Si cela s’avère la moyenne, 50% des années seront encore plus chaudes », a déclaré M. Pidwirny.

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L’équipe a utilisé des données climatiques interpolées dans l’espace, générées par des bases de données logicielles appelées ClimateBC et ClimateNA. En introduisant des modèles de simulation climatique, ils ont pu brosser un tableau plus clair des prévisions d’enneigement pour les stations de ski de la Colombie-Britannique.

« Les principales variables étudiées sont la température, les précipitations sous forme de neige et la pluviométrie, car le réchauffement entraîne une diminution de la neige et une augmentation des pluies. Nous avons ensuite modélisé la durée de la saison de ski », a déclaré M. Pidwirny.

Ils ont cartographié leurs conclusions en fonction des meilleurs et des pires scénarios, le meilleur étant une augmentation d’environ 2,5 °C, tandis que le pire des cas suggère une augmentation d’environ 4.5 °C. Les modèles ont démontré que d’ici 2085, dans le pire des cas, les stations de l’intérieur de la province verront une diminution des chutes de neige de 26 à 38 %. Les stations de ski de la région perdraient alors entre 48 et 77 jours.

Un déclin progressif

Michael Pidwirny affirme que ce déclin sera progressif. En fait, certaines stations le long de Powder Highway pourraient d'abord s’améliorer avant de s’aggraver.

« Les stations de ski à proximité de Banff pourraient s’en tirer plutôt bien, car le problème c’est que janvier est trop froid et que les gens ne se présentent pas », a-t-il expliqué.

Mais cela ne durera pas éternellement. Pidwirny prédit que d’ici 2085, même des endroits comme la station de ski Whitewater, située près de Nelson en Colombie-Britannique, verront 60 % de leurs précipitations hivernales tomber sous forme de pluie.

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Douglas nous dit que des changements commencent déjà à se faire sentir.

« Les choses sur lesquelles nous comptions avant deviennent étranges. Au cours de la dernière décennie, nous avons vu plusieurs montagnes de la chaîne côtière commencer à s’effondrer, des pans qui tombent. C'est une énorme préoccupation », dit-il.

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La file pour le télésiège à Kimberley Alpine Resort. (Source : Mia Gordon/The Weather Network)

Des causes et solutions

L’ironie de la chose est que les stations réputées pour leur poudreuse font également partie du péril qui les menace. Les émissions de l’industrie du ski comprennent l’énergie utilisée pour faire fonctionner les télésièges et les télécabines, les véhicules et canons à neige gourmands en combustibles fossiles qui deviennent de plus en plus nécessaires à mesure que le climat change. Puis, il y a les skieurs eux-mêmes. Un rapport publié dans le Journal Mountain Research and Development indique que les voyages représentent 86 % des émissions d’un séjour de ski.

Cependant, les stations de ski et les municipalités de la Colombie-Britannique et du monde entier commencent à reconnaître qu’ils doivent apporter des changements pour survivre. « Le développement durable est vraiment ce que l’industrie du ski envisage actuellement de différentes manières. De nombreuses stations étudient toutes sortes de façons de réduire leur empreinte carbone », a déclaré Mike McPhee, président du conseil d’administration de Kootenay Rockies Tourism.

Le long de Powder Highway, on compte déjà quelques bons exemples. Revelstoke a lancé Sustain the Stoke, un programme de développement durable qui entend réduire les émissions dans la ville en encourageant le transport écologique. La ville de Fernie a commencé à installer davantage de bornes de recharge pour véhicules électriques. Kicking Horse a découvert qu’il pouvait réduire ses émissions en ralentissant sa télécabine les jours où les lignes de remontée sont plus courtes. Et Kimberley a transformé une ancienne mine en une installation de panneaux solaires capables d’alimenter des centaines de foyers.

D'après un reportage terrain de Mia Gordon, journaliste à The Weather Network. Allez voir la série de reportages originaux en anglais sur Climate.ca

Image bannière : des skieurs à Fernie Alpine Resort (source : Destination BC)