L’Alaska, contaminé par les changements climatiques

La fonte du pergélisol en Alaska est responsable du déversement de plusieurs polluants dans l’écosystème. Au moins 75 cours d’eau ont pris une couleur orangée et enregistré un taux d’acidité alarmant. Dans une étude publiée dans la revue scientifique Communication Earth & Environment, les chercheurs du service des parcs nationaux américain pointent du doigt les changements climatiques issus de l’activité humaine.

L’équipe de recherche rapporte que le début des observations du changement affectant les cours d’eau de l'Alaska remonte à environ 10 ans. Cela coïncide avec la période de réchauffement qui a commencé à cette époque et qui continue de s’accélérer. Il y a beaucoup d’éléments emprisonnés dans le pergélisol. On y retrouve de grandes quantités de carbone, de mercure et plusieurs autres métaux. Le réchauffement de l'Arctique est aussi responsable de l’augmentation des chutes de neige en hiver, car quand l’atmosphère se réchauffe, il peut contenir plus de vapeur d’eau.

La fonte du pergélisol relâche une grande quantité de métaux dans l'environnement. Ceux-ci sont ensuite transportés par le ruissellement de l’eau de pluie vers les cours d’eau. La fonte de la neige au printemps participe aussi à cet exode de substances indésirables vers les bassins versants. Plusieurs de ces éléments étaient restés emprisonnés dans le pergélisol depuis des milliers d'années. D’autres métaux contenus dans les roches ont été dissous par la pluie avant d’être transportés vers les cours d’eau. Selon les conclusions de l’étude, le fer et les sulfates déversés dans les cours d’eau leur donnent cette couleur orange. L’ajout de tous ces éléments dans les rivières de l’Alaska perturbe l’équilibre d’un écosystème qui était, jusque-là, considéré comme un réservoir d’eau pure de première qualité. On a observé un déclin spectaculaire des espèces marines, affirme Jon O’Donnell, l’auteur principal de l’étude.

Des échantillons d’eau prélevés sur place montrent un taux d’acidité excessif. Certains cours d’eau affichent un pH aussi bas que 2,3. C’est l’équivalent du jus de citron ou du vinaigre. Ceci est très inquiétant pour la flore et la faune dont la subsistance est directement liée au réseau hydrographique. Certaines de ces rivières sont peuplées par d’importantes populations de saumons et d'autres espèces de poissons. On s’inquiète aussi pour la santé des autochtones qui consomment les poissons et l’eau de ces cours d’eau. En comparant l’eau des cours d’eau orange avec celles des rivières saines, les chercheurs ont observé des concentrations anormalement élevées de magnésium, de cobalt, de cuivre, de zinc, de cadmium, de plomb, de nickel et d'arsenic, en plus des sulfates et du fer. Dans le cas du zinc et du nickel, les concentrations observées étaient 16 à 43 fois supérieures à ce qu’on retrouve dans les rivières saines.

Il est déjà arrivé par le passé qu’on observe ce genre de phénomène, mais c’était toujours à proximité d’une exploitation minière. C’est la première fois qu’on voit ce type de transformation d’un cours d’eau loin de toute activité minière. Le réchauffement de l’Arctique est sept fois plus important que la moyenne mondiale à cause des changements climatiques. La fonte du pergélisol va donc se poursuivre et plusieurs autres rivières pourraient aussi être contaminées à l’avenir.