Les printemps hâtifs ont modifié la migration des oiseaux

Les comportements migratoires des oiseaux au Québec — et ailleurs dans le monde — sont intimement liés aux changements climatiques. Les réchauffements à l’échelle planétaire ont un impact important sur les populations d’oiseaux, si bien que leur date d’arrivée au printemps a été devancée dans les dernières décennies.


Au moment de la migration, le nombre de jours que prendront les oiseaux pour arriver sur leur site dépend des différents groupes d’oiseaux. « On peut voir des changements de un à deux jours par décennie. Ça peut être considéré comme avantageux pour certaines espèces, mais ça a un impact négatif sur les oiseaux qui mangent des insectes », explique Jean-François Giroux, professeur associé au Département des sciences biologiques à l'UQAM. Les arbres et la végétation peuvent se développer plus rapidement en raison des températures plus élevées, mais les chercheurs observent un décalage entre les effets des changements climatiques et l’adaptation des oiseaux. « Souvent, les oiseaux arrivent un peu plus tôt et même si la végétation et les chenilles se développent plus rapidement, ce n’est pas encore au même rythme. L’éclosion [des jeunes oiseaux] ne va donc pas se produire au moment où il y a le plus de nourriture », ajoute-t-il. Résultat : les ressources en nourriture sont moindres, affectant ainsi négativement le succès de reproduction. « Les ajustements des oiseaux se font sur des milliers d’années, alors que les changements climatiques s’opèrent sur des dizaines d’années. Ultimement, certains en profitent puisqu’ils arrivent à s’adapter, mais d’autres sont fortement pénalisés », note le biologiste.

Impacts différents

Jacques Larivée, ornithologue qui s’intéresse à la biodiversité et aux changements du climat, travaille depuis 45 ans sur l’Étude des populations d’oiseaux du Québec (EPOQ), une base de données qui contient des millions d’observations qui permettent de faire un suivi des tendances démographiques des oiseaux. « Les oiseaux qui sont les plus avantagés, ce sont ceux qui ont la capacité de monter vers le nord, et qui profitent donc des hivers plus doux pour venir se reproduire au Québec. On pense par exemple au cardinal rouge qui était pratiquement absent du Québec avant et que l’on retrouve maintenant partout », explique M. Larivée. Les insectivores sont toutefois fortement désavantagés : la plupart des espèces sont en fort déclin. « Ça peut être dû au réchauffement puisqu’ils sont sensibles à la chaleur, à la sécheresse et aux variations de température trop brusques », ajoute-t-il. Le chercheur mentionne entre autres les hirondelles : de 1970 à 2017, le déclin des six espèces retrouvées dans la province varie entre 54 et 99,3 %, selon des données de QuébecOiseaux.

Mortalité plus élevée

« On peut avoir un taux de mortalité plus haut ou encore une reproduction plus faible. Au lieu de pondre six œufs, peut-être que les oiseaux qui ont une moins grande abondance de nourriture ne vont qu’en pondre cinq. Il va peut-être y en avoir juste trois qui vont pouvoir prendre leur envol », note Jean-François Giroux. Jacques Larivée, quant à lui, mentionne que l’atmosphère est plus turbulente qu’auparavant, pouvant ainsi augmenter les risques de mortalité chez les espèces migratrices. « Les risques de rencontrer de la fumée dans l'atmosphère parce qu’il y a plus de feux de forêt ou encore les dérangements humains augmentent la mortalité des migrateurs de longue distance. On observe un fort déclin : dans certains cas, c’est de 90 à 95 % de baisse d’individus », ajoute M. Larivée.


En 2019, des scientifiques américains ont trouvé une nouvelle façon de suivre le chemin parcouru par les oiseaux migrateurs à l’aide des radars météorologiques. L’étude, publiée dans le magazine scientifique Nature Climate Change, démontre que les changements climatiques ont un impact indéniable sur les comportements migratoires des populations d’oiseaux. Le voyage de retour chez nos voisins du Sud serait en effet devancé d’un peu moins de deux jours par décennie.


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