Un pays paye 3,5 milliards pour contrôler sa météo

Entre 2012 et 2017, la Chine a investi près de 3,5 milliards de dollars pour contrer le manque d’eau qui a sévi dans certaines régions du pays, à cause d’événements météorologiques qui ont, soit provoqué des sécheresses, soit des inondations qui ont endommagé le réseau de distribution d’eau. La Chine vient donc d’annoncer qu’elle enclenche un vaste programme pour réussir à maîtriser la météo d’ici 2025 sur plus de la moitié de son territoire, afin de mieux contrôler la distribution des précipitations de pluie et de neige.

Ensemencer les nuages

Les techniques d'ensemencement des nuages, pour provoquer les précipitations, ne datent pas d’hier. Elles ont vu le jour en 1946 aux États-Unis pour lutter contre la sécheresse qui frappait New York. Le processus consiste à lancer dans l’atmosphère des particules d’iodure d’argent, pour que la vapeur d’eau contenue dans l’air se condense et devienne liquide. En effet, il faut une poussière, une saleté ou même une particule qui servira de noyau de condensation pour faciliter le passage de l’eau à l’état gazeux en eau liquide et précipitable. Pour que la pluie tombe, il faut que les gouttes d’eau dans le nuage soient assez grosses pour ne plus rester en suspension dans celui-ci et laisser la gravité faire son travail. L’iodure d’argent permet à la goutte de grossir plus facilement.

Déjà trop répandu

La pratique d’ensemencement est très répandue, même si plusieurs études ont prouvé qu’elle est très polluante. La Chine utilise cette technique depuis 1958. En 2019, Bangkok s’est servi de l’ensemencement pour générer des pluies destinées à laver l’air de la pollution. En 2013, l’Indonésie a aussi utilisé ce processus pour ralentir la progression des feux de forêt qui sévissaient. La pratique a même servi à plusieurs endroits en Europe pour éviter que la grêle ne détruise le raisin destiné au vin. Il s'agissait alors de tenter de vider les nuages de leur contenu avant qu’ils ne prennent trop d’ampleur et puissent former de la grêle.

Si l’iodure d’argent s’est montré efficace pour provoquer des précipitations, il est très polluant lorsqu’il retombe au sol avec la pluie. Selon les recherches, l’iodure d’argent affecte la santé humaine et animale, sans compter qu’en s’infiltrant dans les sols, il pollue les nappes phréatiques. L'absorption d’iodure d’argent par l’homme peut causer des éruptions cutanées, un écoulement nasal, des maux de tête ainsi que l’irritation des muqueuses. Il est particulièrement nocif pour les micro-organismes. Autre impact non négligeable, quand un pays utilise cette technique, rien ne garantit que la pluie ne va tomber que sur ce pays. Les pays voisins risquent de subir la pollution créée par l’iodure sans même s’en être servi chez eux. D’ailleurs, l’Union européenne demande à ses membres d’éviter d’utiliser l’iodure d’argent à cause de ses effets néfastes connus.

Dilemme moral

L’homme est en droit de se poser des questions à propos de cette pratique pour tenter de contrôler le temps. Si un pays le fait, est-ce que le pays voisin va se retrouver en situation de sécheresse, car ce pays aura vidé les nuages sur son territoire et que les précipitations seront moins abondantes chez son voisin ? L’homme a-t-il le droit moral de vouloir contrôler le temps ? Il s’agit d’un processus naturel qui est à la base de la vie sur Terre telle que nous la connaissons. Est-ce que cette géo-ingénierie est un pas vers une solution aux changements climatiques ? Une chose est sûre, la Chine ne tiendra sûrement pas compte de l’opinion mondiale avant d’aller de l’avant avec son plan de contrôler la météo sur plus de la moitié de son territoire d’ici cinq ans. Dans le contexte de lutte aux changements climatiques, un accord comme celui de Paris assure que tous les pays font leur part et évitent ainsi que certains prennent des actions risquées pour régler le problème chez eux, sans tenir compte du fait que le climat n’est pas local, mais mondial.