Ensevelie par le vent : quand les bourrasques se déchaînent

Du 17 au 21 novembre 2014, la ville de Buffalo croule sous presque deux mètres de neige, dont 165 cm tombés en seulement 48 h. Fait étonnant, aucun système dépressionnaire n’avait touché la région à cette date. C’est le vent d’automne qui est le grand responsable de cette bourrasque de neige qui a forcé la fermeture de la principale autoroute pendant cinq jours.

Chaque année, l’hiver commence en lion

Même si cet épisode cauchemardesque de bourrasques de neige est bien ancré dans la mémoire des résidents de Buffalo, il n’est pas rare d’avoir ce type de tempête au bord des Grands Lacs à l’automne. En effet, c’est lors de cette saison que leur température est la plus élevée, puisqu’ils accumulent l’énergie du soleil pendant tout l’été. C’est donc à cette période de transition saisonnière que l’arrivée d’air froid sur les Grands Lacs forme des bourrasques qui peuvent déverser d’énormes quantités de neige.

L’air froid, qui arrive du nord, se réchauffe lorsqu’il glisse au-dessus d’un plan d’eau plus chaud. Les molécules qui composent cette masse d’air vont alors se distancer les unes des autres. Cet espace, créé entre les molécules, permet à l’air d'emmagasiner de la vapeur d’eau. Puisque ce phénomène se passe au-dessus d’un plan d’eau, la disponibilité en humidité est grande. En poursuivant sa course vers la rive opposée, l’air se gorge de vapeur d’eau. Plus la distance parcourue au-dessus de l’eau est grande, plus l’air accumule de l’humidité. Mais de l’autre côté du lac, l'air est beaucoup plus froid au-dessus de la terre ferme. Quand ces deux masses d’air se rencontrent, l’air chaud se contracte en se refroidissant. En se contractant, les molécules se resserrent. L’air expulse alors l’humidité accumulée lors de sa traversée du plan d’eau. Il se met alors à neiger. Plus le plan d’eau est chaud et la distance parcourue est grande, plus les accumulations seront importantes.

Images Patrick

Tout repose sur les vents

Ce type de bourrasque de neige est un phénomène très localisé, qui dépend de la direction des vents. En effet, puisqu’il est dû aux vents, il suffit que la direction de ceux-ci change d’un degré pour que la tempête sévisse ailleurs. Dans le cas du blizzard de 2014 à Buffalo, les vents n’ont pas changé de direction pendant quatre jours. Pourtant, à seulement 30 km de là, Niagara Falls n’a reçu que 19 cm pour la même période. Puisque ce phénomène se produit directement aux abords d’un plan d’eau, il ne neige pas quelques kilomètres à l’intérieur des terres, car la masse d’air s’est vidée de son contenu dès qu’elle a rencontré l’air plus froid de l’autre côté du lac.

Dès que la surface des Grands Lacs gèle, l’apport en humidité est stoppé et le phénomène ne peut plus se produire. C’est pour cette raison que certains secteurs aux abords des Grands Lacs peuvent voir leur hiver commencer en lion. Mais ceux qui subissent ces bourrasques ne sont pas les mêmes chaque année, car il est directement lié à la direction des vents, qui n’est pas toujours la même. De plus, il est moins fréquent aux abords du lac Érié, car celui-ci est peu profond et gèle plus tôt en saison.

D’autres régions des Grands Lacs sont très propices à ce genre de bourrasques. La région de Tug Hill, à l’est du lac Ontario, reçoit en moyenne chaque année plus de 600 cm de neige. Le nord de la péninsule du Michigan est également bien positionné pour connaître ce type de bourrasque. Chaque hiver, les résidents pellettent en moyenne de 750 à 900 cm de neige. En comparaison, les régions du Québec qui reçoivent le plus de neige annuellement sont Sept-Îles et Gaspé avec un peu moins de 400 cm.